mercredi 24 juillet 2013

Un âne branché au solaire va dans les villages pour depanner les téléphones portables

Le projet s’appelle Pégase, du nom du rapide cheval ailé de la mythologie. Il a été imaginé par un duo lillois formé par un artiste plasticien, Philémon, et un scénographe, Arnaud Verley.

En avril, les deux artistes nous ont intrigués en nous annonçant leur projet. Nous leur avons demandé de nous prévenir quand leur âne prendrait du service, équipé de son bât photovoltaïque. Pendant qu’il broute au soleil, il se recharge

Ils nous ont envoyé un e-mail mercredi depuis Kavardaci. Philémon et Arnaud Verley ont commencé à tester leur dispositif dans les montagnes, non loin de cette ville moyenne – « célèbre pour son vin et son équipe de basket-ball », précisent-ils – à une centaine de kilomètres au sud de la capitale Skopje. Ils racontent :

« L’âne nous est prêté par un fermier, Angel, un gars enthousiaste, la soixantaine, bras tatoués à l’ancienne, hyperactif, il travaille ses lopins de terre dans les collines avoisinant Vatasa. Angel nous prête son âne comme il prêterait aimablement une brouette à son voisin. Faut dire que notre Pégase, jusque-là, était dépourvu de nom et principalement dévolu au portage du bois. »

Les artistes Arnaud Verley et Philémon collaborent depuis 2008, il vivent et travaillent à Lille. Leurs installations ont été présentées notamment à la Conciergerie (Paris 2012), au MACRO - Musée d’art contemporain de Rome (2012), à l’Espace Pierre Cardin (Paris 2011) ou au Musée de l’Hospice Comtesse (Lille 2010).

Pégase déploie ses ailes, les deux artistes les orientent. Pendant qu’il broute au soleil, il se recharge.

« Tous les jours nous tentons d’aller un peu plus loin, plus haut, nous passons une première nuit en sa compagnie, en montagne, il nous offre la lumière, la musique, nous chargeons nos appareils photographiques et ordinateurs. Au petit matin, Arnaud s’est rasé. Le dispositif est opérationnel. »

1 000 watts au maximum

Les deux hommes peuvent descendre en ville, à Kavadarci, ravis, pour distribuer l’énergie collectée par leur âne.

Pégase a été prêté par Angel (societevolatile.eu)

« Déjà, lors d’une de nos marches, nous avons coupé du bois à la scie sauteuse et offert à un jardinier de brancher directement sa tondeuse sur la monture : 1 000 watts, nous atteignons notre maximum.

Pégase peut accueillir quantité d’objets périphériques. Hier [lundi, ndlr], dans une casse-auto, trois jeunes gars nous ont fait cadeau d’un allume-cigare qu’ils ont arraché sur une épave. Connecté à la batterie de notre monture, l’objet est assez insolite, il vient s’ajouter à nos pinces crocodiles et aux prises de courant.

Désormais, nous pouvons solairement allumer des clopes et en offrir. Nous avons aussi un jack qui permet aux gens de brancher un téléphone ou un lecteur mp3 pour une musique partagée. »

« Pégase est un pionnier, c’est l’âne high-tech »

Philémon et Arnaud Verley ont droit, disent-ils, à « un accueil chaleureux et à beaucoup d’hospitalité ». Le projet attise la curiosité, parfois bien au-delà de leurs attentes. Eux qui pensaient que leur ingénierie « confinait à l’absurde » se rendent compte qu’elle est d’une utilité presque déconcertante :

« Nous nous interrogions sur l’hypermodernité, sur le “ tout-solaire ”, la fin des énergies fossiles, le retour à une locomotion lente... Mais ici, le projet semble endosser une dimension réellement terre-à-terre, utilitariste. Les ânes existent en ville pour le ramassage des ordures ; ils sont encore, aussi, pour certains paysans, un moyen de locomotion.

Dans ce contexte, loin de tout folklore, Pégase ne dépareille pas tellement : il fait figure de pionnier, c’est l’âne high-tech. Nous l’avons présenté à des bergers qui n’ont pas toujours le courant en montagne, et notre monture faisait figure de lumière. »

Le bât photovoltaïque (societevolatile.eu)

Une « figure de lumière »... Cela n’a rien d’étonnant : dans la mythologie, Pégase n’est-il pas la monture du soleil ?

Les deux artistes et leur âne solaire prévoyaient, aux dernières nouvelles, de se diriger vers la capitale Skopje et sa périphérie Chouto Orizari (dite Sutka, une ville rom), puis de marcher vers la frontière grecque et, « qui sait, de la franchir ».

via RUE 89

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